Deux Uffheimois, Henri Berger et Jean-Jacques Haaby, très vite rejoints par Jean-Bernard Wahl, prennent l'initiative de tirer de l'oubli et de la décrépitude un blockhaus à l'abandon sur les hauteurs d'Uffheim. Nos deux compères, attentifs à la préservation du patrimoine de la commune, avaient déjà à leur actif la restauration d'un moulin à grain, d'un moulin à huile et d'une horloge mécanique. Quant au 3e larron et auteur de publications consacrées à la Ligne Maginot et au Mur de l'Atlantique, il avait déjà sévi dans le nord de l'Alsace en fondant l'association de sauvegarde du grand ouvrage d'artillerie de Schoenenbourg, devenu aujourd'hui le phare du tourisme militaire en Basse-Alsace avec plus de 40000 visiteurs chaque année.
La casemate de l'Aschenbach bien avant 1990 et le début des travaux. Le site n'est que broussailles et dépotoir, l'ouvrage totalement vide et ouvert à tous les vents... |
Toute première étape, après totale approbation de l'initiative par le Conseil municipal d'Uffheim et signature d'une convention, l'année commence par un débroussaillage et un nivellement en règle des alentours de l'ouvrage. Puis l'équipe s'attaque à un nettoyage complet de l'intérieur où se sont accumulés au fil des ans, depuis 1940, plusieurs mètres-cubes de détritus. Opération plutôt déplaisante mais indispensable avant de faire le point sur la suite des travaux.
A l'issue de ces séances de déblayage et de nettoyage, l'intérieur de la casemate apparaît propre mais désespérément vide. En outre, toutes les parties métalliques - porte (il en reste une sur cinq !) et cadres de portes, blindages, plafonds et parois, intérieur de la cloche de guet - s'avèrent profondément attaquées par la rouille. Un programme de traitement et de peinture de ces surfaces est prévu.
La chambre de tir canon sud telle qu'elle apparaît après déblayage et nettoyage en 1991, vide et rouillée. Du pain sur la... planche en perspective pour les artistes peintres de l'association. |
En même temps est lancée d'un bout à l'autre du Sundgau une vaste campagne de recherche et de récupération de matériels d'époque (bien entendu avec autorisation des propriétaires concernés). C'est ainsi que, par exemple, la municipalité d'Ottmarsheim nous permet de prélever le matériel demeurant dans la casemate CORF Ottmarsheim-Sud, en particulier un superbe casier à munitions de 47 et tout le système de ventilation, ainsi qu'un rarissime (dans le Haut-Rhin) projecteur blindé.
Par ailleurs, sont récupérés : portes, grilles, lits, blindages, équipement de la cloche de guet (plate-forme intérieure, contrepoids, chaînes, créneaux à rotule, échelle d'accès), tablettes, etc... etc...
Les opérations de récupération de matériels anciens se poursuivent : guérite pentagonale dans le Sundgau, tourelle modèle 1935/37 dans le Haut-Doubs, groupe électrogène CLM aimablement cédé par l'équipe du fort de Mutzig, tourelle de char Renault FT17 en Moselle, etc. Simultanément nous faisons notre première acquisition d'armement : une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm modèle 1914 et son trépied, une arme très répandue dans l'armée française en 1939-40.
Plusieurs "expéditions" en Moselle permettent de ramener quelques pièces rares et indispensables : une guérite blindée et cylindrique de guetteur et deux affûts-crinolines pour canon de 47 avec leur platine et boîte à pivot en bronze. Mais surtout une chance inouïe nous sourit par deux fois : d'une part nous faisons l'acquisition d'une bouche à feu de canon de 47 de marine (le type de canon qui équipait notre casemate en 1939-40), ce qui va nous permettre de reconstituer un 1er canon complet, et d'autre part nous négocions chez un marchand de militaria à Paris l'achat d'un fabuleux lot de périscopes F1, F2 et J2, employés dans les cloches blindées de la Ligne Maginot. Ces périscopes vont nous permettre 1/ de nous équiper, 2/ d'effectuer des échanges et donc de nouvelles acquisitions.
1992 sera aussi l'année des travaux de remise en état de l'intérieur de la casemate : sablage et traitement antirouille des éléments métalliques, premiers travaux de peinture, réinstallation des premiers matériels parmi lesquels les lits rabattables, les créneaux à rotule de la cloche de guet, l'équipement du puits de cette cloche.
Au début de l'année, grille forte et porte blindée à l'entrée, et volets métalliques sur les créneaux sont déjà en place. L'ouvrage est sécurisé. Le puits d'alimentation en eau, comblé de terre et de détritus presque à ras bord, a été vidé jusqu'à une profondeur de 5-6 mètres à l'aide d'une nacelle. A l'exception d'une planchette " Chantier interdit " et de godets à munitions de la noria de cloche, aucun objet intéressant n'y a été découvert.
L'année se termine par quelques belles et nouvelles séances de récupération : guérite en béton du Césarhof, échange au fort de Guentrange (Thionville, Moselle) d'un périscope F1 contre un jumelage de mitrailleuses (affût seul !), échange à l'ouvrage de Rohrbach-lès-Bitche (Moselle) de périscopes F1 et F2 contre une noria à munitions de cloche et une tête de goulotte lance-grenade. D'intéressantes acquisitions compte tenu de leur absence totale dans notre casemate depuis belle lurette.
Traitement et mise en peinture des six lits rabattables existant normalement dans la casemate. Ils seront ensuite fixés sur les murs des chambres de tir canons, à leur emplacement d'origine. |
Mise en peinture de l'ensemble des surfaces intérieures de la casemate, comme ici dans le couloir et le puits d'accès à la cloche de guet. |
Travaux de pose de la grille à l'entrée "hommes" de la casemate. |
Ce sera la première année d'ouverture de la casemate au public.
Au plan des travaux les deux évènements majeurs de l'année seront 1) l'installation du canon antichar de 47 nord modèle 1902 sur son affût-crinoline modèle 1887, 2) le scellement à l'angle extérieur nord de la casemate du projecteur blindé d'Ottmarsheim.
Parallèlement se poursuivent les " petits travaux " : pose de l'affût-crinoline sud, pose de l'installation électrique - câblage, boîtiers de connexion, hublots d'éclairage - (jusqu'en 1997 l'alimentation sera issue d'un petit groupe électrogène extérieur), fermeture de l'entrée matériel à l'aide de rails empilés (comme prévu à l'origine) et soudés, élargissement à la foreuse à béton de la trappe de descente à l'étage inférieur et réalisation d'une échelle de descente, nombreux travaux de peinture, etc...
Récupérations et échanges viennent également enrichir l'actif de l'association : réservoir d'eau pour le refroidissemnt du groupe électrogène récupéré dans une casemate du Sundgau, moteur de ventilateur, épiscopes de cloche B, goulotte lance-grenades, etc. échangés contre périscopes. En outre, un 2e canon de 47 est mis en chantier. Ce sera une réplique parfaite et complète du 1er canon, à l'exception de l'affût-crinoline d'origine déjà installé.
En mars 1993, s'effectue l'installation du projecteur blindé d'Ottmarsheim et de sa colonne support, l'ensemble scellé dans un bloc de béton enterré de plusieurs m3. |
L'évènement majeur de l'année 1993 au plan " relations publiques " sera la première grande ouverture au public le dimanche 27 juin. A l'occasion de cette manifestation " portes ouvertes " plus de 1000 personnes viennent nous rendre visite ce jour-là. De nombreuses "attractions" agrémentent le site : expo de véhicules militaire 39/40 tels que Laffly Licorne V15T et S15R et side-cars Gnome-Rhône AX2 armés, avec leurs détachements de Dragons portés et de soldats de forteresse du 171e RIF, expo de nos matériels (tourelle 35/37, tourelle FT17, périscopes), tente militaire avec expo et publications, tentes restauration et buvette, etc... Bref un franc succès qui laisse bien augurer de l'avenir du site.